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François Declercq
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François Declercq
28 septembre 2011

Tunis, 27 septembre

Un nouveau départ pour les rives sud de la méditerranée.

On annonce un temps de rêve à Bruxelles et voilà que je m'encours à Tunis voir si la révolution tient la route et si l'Europe peut faire quelque chose.

Même scène d'avion, d'embarquement, de photo d'appareil sur le tarmac qui me confirme le départ. Cette fois ci pas de passe passe par Genève ou autre, direct, confort.

Le porte parole de Catherine Ashton m'appelle, il veut faire le point sur la couverture que je suis censé coordonner. Cet appel confirme ma position particulière de producteur et ne fait qu'ajouter une petite dose de stress à ce départ. Je le retrouve à la porte d' embarquement, il est là, en costume sombre, lunettes, valise à roulettes, housse de costume, trente ans grand maximum. Très aimable, bien élevé, sympathique et professionnel. Il habite à Bruxelles depuis 10 jours et vient de commencer comme porte parole adjoint. Je vois le genre, grande école française, réussite au concours de la commission, ambition avec un air doux et travailleur. Il m'écoute lui expliquer le fonctionnement de la chaîne européenne dont il ignore tout ou presque. Une chose est certaine, il est sympathique mais plus jeune et dans un rôle nettement plus important que le mien...

Vol sans encombre, pas de hublot, je devine la mer un long moment. Plateau repas infect. Atterrissage.

On attend une délégation à la sortie de l'appareil ,Sébastien pense en faire partie... et bien non, le prote parole se débrouille... c'est seulement pour le cabinet de Ashton... J'attends mes bagages une heure et papote avec un tunisien qui vent de pièces détachées pour machines à laver industrielles en Belgique. Ce sera mon premier contact d'une longue série qui se termine invariablement par une demande de service ou d'achat... Cette fois ci je dois passer la douane avec deux bouteilles de vodka, chaque passager étant limité à deux, il en a 4... En échange il me fait éviter l’arnaque des taxis qui se jettent sur vous à la sortie. Il me met même dans la voiture du steward de notre vol qui me dépose à mon hôtel. Alors que je monte dans cette voiture sur le parking des hôtesses et stewards Tunisair je me demande si c'est une bonne idée... trop tard. Lieth (c'est son prénom, irakien...) me parle des élections, c'est du n'importe quoi pense t-il, il n'ira pas voter comme beaucoup de ses amis. La raison ? Pour lui on n'apprend pas en quelques mois à être démocrates, les seuls qui sauront vraiment ce que c'est sont les enfants de 5 ans qui commencent l'école aujourd'hui. Je ne dis rien, je réfléchis. Démocratie... et en Libye ? Je lui demande... Et bien c'est le bordel ! Voilà sa réponse. Mme Ashton qui vient prendre le pouls des instances démocratiques et de la mise en place des élections entendra t-elle le même discours?

Une fois installé dans un hôtel trop grand et mal agencé aux portes en carton et aux murs en papier à cigarette je pars en exploration. J'essaye de raccrocher mes souvenirs de 2001. Pas facile. Je fais des tours et des détours dans le centre, suis le tram, tombe sur un marché, un autre, un parc, une avenue portant le nom d'une capitale européenne bordée d'immeubles art nouveau. C'est beau, légèrement chaotique, mais rien à voir avec Tripoli. Il faut quand même faire attention aux voitures qui n'ont pas le même sens de la priorité aux piétons. Ces immeubles 1900 sont surprenants, ils alternent avec des bâtiments publiques au style plutôt arabisant. Je rentre dans le centre proprement dit, le tram traverse les avenues, le drapeau tunisien flotte, puis un homme en armes, un second. Étrange. Je me rends compte que chaque bâtiment public important est entouré de barbelés avec des militaires autour, le tout est assez nonchalant mais surprenant. Le même décors se répète au bureau du premier ministre, ministère des finances, Instance supérieure indépendante pour les élections et au bout de l'avenue Bouguiba devant la cathédrale...

Ma promenade me mène aux porte de la médina. Je prends un café et entre dans la ville. Au début je ne me fait pas aborder mais une fois aux abords de la grande mosquée un muezzin me fait entrer dans la maison du partage aux carreaux de faïences magnifiques. Il me parle de la religion, de la révolution, des élections... je suis le bienvenu pour partager mes idées. Je quitte les lieux, il me suit en me met dans les mains d'un vendeur de parfums. deuxième rencontre intéressée... Je décline, on me poursuit avec des onguents soit disant naturels, mais mon odorat ne me trompe pas : c'est du cheap ! Je n'ai jamais senti un jasmin qui sentait le savon d'aéroport...

En fuyant ce vendeur je rentre par hasard dans la cour de la grande mosquée. Il est 18h, le soleil vient de se coucher, c'est l'appelle à la prière du soir. Je dois avouer que cet espace pavé de grandes pierres plates, entouré d'arcades ouvragées, dont la pente légère mène à la grande salle de prière dégage une sérénité et appelle au recueillement. Quelques personnes font leurs ablutions, le bruit de l'eau résonne dans la cour, je lève les yeux au ciel, quelques nuages se teintent de rose...

C'est le moment magique dans une journée. Celui où tout le monde s'affaire, rentre chez soi, les boutiques ferment, la lumière baisse. Le crépuscule.

Pendant 10 minutes les souks sont comme suspendus dans le temps. Effet de la prière ? Pourtant je n'ai pas vu grand monde dans la mosquée.

Je tourne dans le centre, pensant où aller je me perds dans la médina, comme un idiot, à la nuit tombée. Je retrouve quand même mon hôtel... Mais cette balade m'a permis de prendre quelques marques, même si je dois bien avouer que d'une part ma mission me stresse un peu et que d'autre part la solitude dans les lieux inconnus n'a jamais été mon fort.

Je sors dîner, prends le tram, cherche un restaurant, je ne trouve que des cafés enfumés remplis d'hommes buvant du thé en terrasse et de le bière à l'intérieur. Un homme m'aborde, papote, puis encore une fois me guide vers un resto et me demande de diner avec lui car il n'a pas mangé... je décline...
Je trouve finalement un restaurant sur l'avenue Bourguiba, comme une pension de famille, menu fixe à 3,5 euros, le capitole. Décor années 50 ? 60 ? On se sait plus très bien. Une brique aux œufs, un couscous et un yaourt au nom évocateur. Je regarde les gens autour de moi, des voyageurs comme moi, des familles. Le garçons s'agite, va vite. Les plats s'enchaînent, en une demie heure c'est une affaire réglée.

Avant de rentrer j'essaye de flâner mais je ne suis pas d'humeur. Je prends une bière au café de Paris, superbe endroit années 50. Un jeune homme m'aborde, il est saoul, il parle français avec un accent de banlieue parisienne, ses copains le rappellent et s'excusent... Je me bats pour commander une bière. Je n'existe pas, je suis le seul européen.

Retour à l’hôtel.

28 septembre.

Dans ma chambre en carton j'ai entendu tous mes voisins aller et venir à toutes heures de la nuit, au réveil une odeur de feuilles brulées a envahi la chambre, la fumée vient du zoo juste derrière l’hôtel.
Je prends contact avec mon équipe. Au boulot !

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