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François Declercq
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François Declercq
23 février 2012

Tripoli, 23 février

Tripoli, 23 février

Que dire de cette journée d'hier.

Tout d'abord je ne peux m'empêcher de penser à ces deux journalistes tués en Syrie. Je me souviens très bien de Marie Colvin, je la vois encore au téléphone, sur la terrasse de l'hôtel Corinthia à Tripoli en Septembre. Quasi toujours de noir vêtue, reconnaissable à ce bandeau noir sur son oeil. Elle étai discrète, sûre d'elle, naviguant parmi les journalistes anglo saxon, BBC, ITN, AP, Reuters. L'imaginer morte en Syrie me rappelle soudain le danger de certaines missions, la volonté de comprendre et d'informer malgré le risque mais aussi le gout pour ce dernier et l'adrénaline qui en découle.

Ici point de danger, à part sur la route… notre fixer n'a pas levé le pied malgré nos demandes appuyées, et c'est à 130 sur des routes bondées et à moitiés inondées à grand coups de klaxon et dans d'incessants coups de frein que nous avons rejoint en un temps record l'usine de Melitha, fleuron libyen.
Ici on traite le pétrole brut et le gaz venu du désert et d'une plateforme à 100 km au large.
Très vite, au vue de l'importance accordée à la sécurité je comprends que Melitha appartient à un groupe étranger, tout se confirme quand je vois une partie de nos hôtes arborer des vestes aux couleurs de ENI, vous voyez, le lion crachant du feu, italien…
L'endroit est impressionnant, des kilomètres de tuyaux, des dizaines de réservoirs de pétrole et autres dérivés, des compresseurs de gaz à haute pression… un ponton de 2 kilomètres de long, un pipeline direct vers la Sicile. L'énergie n'est pas une mince affaire.
On nous offre accès à tout, répondant à toutes nos questions, exhaussant tous nos souhaits ou presque, il nous sera juste interdit de monter sur les grands réservoirs de pétrole, trop dangereux.

Ils ne sont pas moins de 4 à s'occuper de nous, un chef de projet, un responsable technique, un responsable de la sécurité, et le chauffeur qui conduit le minibus, je n'oublie évidemment pas notre fixer et le représentant du ministère de l'économie que j'ai décidé d'appeler le ministre. Ce dernier ne fait rien, il somnole dans un coin et s'anime juste au moment de passer à table ou de recevoir des invitations des responsables.

Tout ce petit monde nous regarde filmer tout en parlant de politique et d'avenir de la Libye, c'est en tous cas ce que nous dira le fixer.

Ici on parle de partenaire quand on mentionne ENI, pas de client, il faut dire que l'usine a été financée par les italiens et que tout ou presque vient de la péninsule. Lampes, extincteurs, lavabos, portes, vitres, je retrouve une marque italienne sur tout ou presque.

Le clou de la visite pour certains, le ministre pourrait le confirmer, fut le repas. Nous avons été guidé dans un petit salon aux tapis épais, séparés du réfectoire par des paravents et là dans un décor de roses en plastique et sur fond de télé allumée le chef s'en ai donné à coeur joie. Une véritable orgie que l'appétit des hôtes n'a pu achever. Soupe libyenne, salade, foie de mouton, cotellettes, pouelt roti, légumes, frites et pates, le tout arrosé de coca ou de jus d'ananas...

La mission pour la commission s'achève là, l'énergie libyenne est bien acheminée par bateau et par pipeline en Europe, nous aurons de quoi nous chauffer.

En voyant défiler ce pays noir vert rouge sur le chemin du retour je me demande à qui profitera cette manne. La reconstruction ou plutôt la restructuration du pays va être longue. En résumant la discussion animée des tous nos hôtes il en découle une perplexité générale et un questionnement quant à la capacité de chacun à gouverner. Personne n'a l'expérience du pouvoir, même les plus anciens sont issus d'une opposition en exil. Je lis ce matin que l'ex premier ministre vient de créer une coalition de 40 partis, sur les 200 officiels, pour une gouvernement à l'islam modéré. Mais les factions sont nombreuses, et la complexité ethnique et tribale de la carte libyenne m'échape totalement. On note simplement ici, sur la cote tripolitainne, la présence des berbères, signalés par leur drapeau au trident, ils sont un gage d'une certaine modération.

Une chose est certaine, on attend de pied ferme et avec les bras ouverts les investisseurs. Le ministre s'est échiné à nous montrer les quelques restes des combats en disant juste "Gadhafi !!" et en répétant que la Libye était désormais "a safre country, very safe !!!"  message qu'il fallait répéter à nos amis. Pourtant notre chauffeur nous disait encore que dans les campagnes à l'est de Tripoli il n'était pas recommandé de se balader la nuit en tant qu'occidentaux. Vrai, faux ?

En tous cas, en attendant ceci ne nous empêche pas de siroter des cafés exquis, de retrouver les gâteaux au miel et le sourire de certains. Certes il y a encore beaucoup d'armes, mais cela fait partie du décor.

Retour cet après midi. Il est temps pour un dernier café !

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